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Marie-George Buffet : Une loi dite d'éthique pour libéraliser davantage le sport

L'examen de la proposition de loi sur l'éthique sportive commence à l'Assemblée. vous trouverez ci-dessous l’intervention de Marie-George Buffet sur ce texte qui ne parle d'éthique que pour habiller une mesure qui à elle seule justifie un vote contre ce texte : la banalisation des sociétés sportives.

Lorsque j'ai vu le titre de cette proposition de loi, je me suis dit, enfin, à quelques mois des Jeux-Olympiques, nous allons parler d'éthique ! Mais, hélas, le contenu du texte qui nous est soumis ne correspond pas vraiment au titre. Quelle déception ! Ma déception a été d'autant plus grande qu'à chaque fois que nous avons fait des propositions d'amélioration du texte en commission, on nous a répondu : « il faut voter conforme » ou : « il ne s'agit pas d'une loi cadre ».

En effet, depuis la dernière loi cadre en 2007, aucun texte n'a revisité l'ensemble des outils, des moyens que l'Etat se doit de consacrer au développement du sport.

On fait comme si le contexte dans lequel évolue le sport était le même qu'à la fin du siècle précédent ! Comme si nous n'étions pas confrontés à de nouveaux défis. Au lieu d'avoir l'ambition de redonner un cadre au modèle sportif français, on modifie par petites touches le droit du sport. De petites lois en cavaliers, on casse le moteur du développement du sport : le partage des missions de service public entre l'Etat et le mouvement sportif pour assurer le droit au sport.

Nous avons ainsi eu le texte sur les agents sportifs, qui a renforcé l'emprise des clubs sur les joueurs, considérés par eux comme des « actifs » que l'on vend ou qu'on achète lors du mercato. Mais nous avons eu aussi la loi sur les paris en ligne, la loi d'exception sur les stades de l'Euro 2016, l'amendement sur l'OL Land et les mesures anti-supporters de la LOPPSSI.Ces lois vont toutes dans le même sens : celui de la marchandisation du sport.

Aucune d'entre elles n'a donné de moyens nouveaux aux bénévoles et aux fédérations pour développer la pratique sportive. Aucune d'entre elles n'a renforcé l'éthique, bien au contraire.

Et arrive ce texte, dit d'éthique, comme pour s'excuser des lois précédentes. Un texte bien incomplet qui, tout en parlant d'éthique, habille des mesures qui vont dans un sens opposé.

Monsieur le ministre, vous souhaitez voir ce texte voté conforme. Il s'agirait selon monsieur le rapporteur en commission de pouvoir régler en urgence des problèmes tels... que celui de la billetterie avant Roland Garros !Mais pensez-vous vraiment que ce genre d'urgences là justifie de priver les parlementaires de leur droit d'amendement ?J'espérais que vous accepteriez les trois seuls amendements adoptés par la commission. Hélas, ces avancées, vous voulez les gommer. Qui fait de l'obstruction parlementaire, si ce n'est vous, monsieur le ministre, et votre gouvernement ?

Car, en poussant au vote conforme, vous privez le monde sportif d'un texte réellement porteur d'avancées à un moment où les attentes en matière de droits et d'éthique sont importantes.Ce qui mine le sport, c'est d'un côté un afflux considérable d'argent non régulé, non mutualisé, et de l'autre, le rabougrissement des moyens publics, la grande misère du ministère des sports, l'indigence des collectivités territoriales.Mais cette loi ne répond à aucun de ces problèmes.

Ce texte est une sorte de taillis, qui touche un peu à tout, qui reste fort imprécis et inopérant quand sont abordées les questions éthiques, mais, qui est très précis et contraignant lorsqu'il s'agit de libéraliser.

Parler des droits des sportifs, deuxième objectif de cette loi, c'est évoquer toute une palette de mesures. Mais vous refusez nos amendements concernant la formation, la carrière des sportifs et l'accès à la pratique sportive. Sur tous ces sujets, je vous referai des propositions concrètes durant les débats.

Quand je pense aux familles qui n'arrivent pas à inscrire leurs enfants dans des clubs, je me dis : prenons cet argent qui coule à flot dans certains sports et utilisons le pour favoriser le développement des sports moins bien dotés et pour baisser le prix des licences. C'est simple : on peut augmenter la taxe sur les droits audiovisuels. Nous serions au coeur des objectifs de ce texte.

Quand je pense aux sportifs de haut niveau et à un grand nombre de sportifs professionnels, je me dis : pour que notre pays permette à l'excellence de s'exprimer, il faut sécuriser les parcours des sportifs, de la formation à la reconversion. Il faut des moyens pour les CREPS, revaloriser les diplômes et ouvrir des passerelles pour l'avenir.

Mais à chaque fois que nous défendons des amendements constructifs en ce sens, on nous répond « ce n'est pas le moment », on nous dit : « ce n'est pas le bon texte », on nous objecte : « conforme ».

Monsieur le ministre, vous pouvez changer d'attitude. Vous pouvez encore faire de cette loi un texte utile au mouvement sportif.Je vous le demande, et dans le même temps, je suis emplie de doutes. Car si ce texte est faible sur l'éthique et sur les droits, il contient plusieurs articles de régression.

Ce texte propose ainsi de mettre en oeuvre des « licences clubs ». Il autorise donc les ligues, sur délégation des fédérations, à exclure de leurs compétitions des clubs sur la base de critères qu'elles détermineront elles-mêmes.

Ces licences pourront de manière facultative comporter des mesures limitant les hauts salaires et obligeant les clubs à recruter des jeunes issus de leurs centres de formations. Mais nous savons aussi, avec le rapport Besson sur la compétitivité du football, que l'enjeu réel de ces licences, c'est d'obliger les clubs des premières ligues à construire des espaces commerciaux et des loges. Et vous prétendez mettre une telle disposition dans une loi sur l'éthique !

Toutes les règles qui relèvent de l'éthique ont déjà une base juridique : c'est la loi, ce sont les conventions entre les fédérations et le ministère, ce sont les statuts types pris par le ministère, ce sont les règlement intérieurs des fédérations. Et cela est bien naturel, car les règles éthiques ne peuvent se décliner que de façon identique dans toutes les fédérations et pour tous les licenciés !

Ce texte permet également aux clubs sportifs de choisir toutes les sociétés prévues par le code de commerce, et de ne réserver les statuts types qu'à deux d'entre elles. C'est ça l'urgence de cette loi ? Quand on sait ce que pensent les actionnaires de ces statuts types, autant dire ce cet article signe leur arrêt de mort. Une loi portant sur l'éthique devrait au contraire tout faire pour les généraliser.Comment prétendre sans rire qu'une telle mesure a été pensée pour renforcer l'éthique ou les droits des sportifs ? Une telle mesure, monsieur le ministre, n'a été pensée que sous la pression de certains financiers de la ligue 1 et il est regrettable que vous ayez jugé positif de la mettre à l'ordre du jour de notre Assemblée.

Et je pourrai continuer la liste de ces cadeaux qui leurs sont faits. On permet à une même personne d'être actionnaire d'un club et d'avoir des actions dans un autre club de la même discipline ou de lui faire des prêts.

Mais si vous voulez combattre pour l'éthique, monsieur le ministre, j'ai deux amendements à vous soumettre : l'un interdisant d'être actionnaire de plusieurs clubs, l'autre de faire des prêts à un autre club de la même discipline. Il faut en d'autres termes revenir à la loi de 1999 sur le sport professionnel.

En les adoptant, vous témoignerez votre volonté de ne plus voir dans un même championnat s'affronter des clubs dans lesquels les mêmes personnes ont des intérêts financiers. En adoptant ces amendements, vous faciliterez le travail de la DNCG, et bien plus efficacement qu'en élargissant ses compétences en matière d'éthique.

Regardons maintenant les articles touchant à l'éthique. La loi donne la possibilité, pour les fédérations qui voudront bien l'utiliser, de baisser la rémunération des agents sportifs.

A cet égard, monsieur le ministre, je vous propose d'enrichir ce texte d'un article interdisant le double mandatement des agents sportifs : comme vous l'avez souligné en commission le 27 octobre dernier, il n'est pas raisonnable de penser qu'une personne payée par un club pour défendre ses intérêts défendra réellement ceux du joueur !

Cette loi corrige aussi deux ou trois oublis de la dernière loi sur les paris sportifs, en matière d'interdiction de paris et d'incrimination pénale. Elle ratifie l'ordonnance sur le dopage et élargit les compétences de l'AFLD, sans toutefois donner à celle-ci les moyens qui lui permettraient, à compétences inchangées, de déployer son action.

Enfin, je voudrais m'arrêter sur l'article 1er de cette loi, qui rend obligatoire l'élaboration d'une charte éthique dans toutes les fédérations. Plusieurs fédérations avaient déjà agit en ce sens, car le mouvement sportif français est dans sa grande majorité mobilisé sur ces questions.Mais, il veut que l'Etat assume ses principales responsabilités. La charte, ou d'autres mesures contenues dans cette loi ne peuvent pas remplacer le nécessaire partenariat avec l'Etat qui a son rôle à jouer sur ces questions, comme sur toutes les autres questions concernant le sport.Comme vos prédécesseurs, monsieur le ministre, vous avez fait le choix d'un retrait de la puissance publique. Cette perspective, je la rejette avec la plus grande vigueur. Et nous sommes nombreux à penser que l'avenir réside dans un partenariat rénové mais solide entre l'Etat et les fédérations.

L'avenir du modèle sportif français ne peut se décider sur un coin de table. L'avenir du modèle sportif français mérite un grand débat démocratique, avec les hommes et les femmes du mouvement sportif, avec les parlementaires et avec les élu-e-s locaux !En attendant qu'un gouvernement daigne nous accorder ce salutaire débat, le groupe GDR s'opposera à tout ce qu'il considère être dans ce texte des régressions. Il soutiendra des amendements constructifs. Si vous en restez au dogme du « votez conforme », le groupe GDR votera contre ce texte.

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Marie-George Buffet : Une loi dite d'éthique pour libéraliser davantage le sport

le 19 janvier 2012

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