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Michel Fouquet (SNEP-FSU) : « L’éducation physique et sportive et le sport scolaire : une priorité pour 2012 »

Entretien croisé
  • Michel FOUQUET, secrétaire national du SNEP-FSU et de la FSU
  • Stéphane BONNERY, enseignant chercheur en sciences de l’éducation, responsable national du PCF
  5 ans après l’élection de Nicolas Sarkozy, quelle est la situation actuelle de l’Éducation Nationale ? Quel est l’état de l’EPS et du sport à l’école ?   Michel Fouquet : Bien évidemment, il faut d’abord évoquer la casse organisée du service public d’éducation à travers les suppressions massives de postes, le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, la multiplication des heures supplémentaires et le développement de l’emploi précaire. Le mouvement syndical est quasi unanime à condamner ces choix politiques désastreux pour l’avenir du pays. Mais, au-delà, c’est l’ensemble des réformes mises en place depuis 2007, dans le prolongement de la loi Fillon de 2005, qui vont à rebours de la nouvelle et nécessaire étape de démocratisation du système éducatif : citons entre autres le socle commun et le livret personnel de compétences, les réformes de l’enseignement professionnel, des lycées généraux et technologiques, de la formation des enseignants, la loi LRU pour l’enseignement supérieur… Concernant l’EPS, elle a payé un lourd écot à cette politique : avec 2 départs en retraite sur 3 non remplacés, ce sont 13,5% du total des enseignants d’EPS qui ont disparu depuis 2004. Dans le même temps, les ministres successifs « communiquent » sans vergogne sur le développement du sport à l’école, proposant des dispositifs qui ont comme point commun de ne concerner qu’une petite partie des élèves, et d’être – en partie - confiés à des intervenants non-enseignants.   Stéphane Bonnery : La droite essaie d’avancer dans le sens de la stratégie de Lisbonne, réforme après réforme : elle défait le système scolaire précédent, mais ce démantèlement n’est pas une fin en soi et ne se réduit pas à des économies budgétaires ; elle construit une autre école, pour former le salariat conforme aux desiderata des capitalistes. Il s’agit pour eux d’une école focalisée sur la formation de ce qui est demandé par les patrons. Une part des effectifs avec une scolarité allongée, mais vidée des contenus et des formes pédagogiques qui développent l’esprit critique ; les autres élèves limités à une scolarité minimale :  le socle commun. C’est un projet d’école qui renonce à une réelle scolarité unique car, pour la droite, il est inutile, voire dangereux, de permettre à tous de découvrir la même palette de connaissances, qui aident à construire sa personnalité en « sortant » de soi au-delà de ce que l’éducation familiale a conduit à découvrir et apprécier. L’EPS entre dans ce cadre : les politiques en cours la voient de moins en moins comme un moyen de développer chez tous les élèves les mêmes agilités, les mêmes rapports au corps, la même réflexivité sur son propre corps et ses propres gestes, sur la disposition des partenaires et adversaires dans l’espace. On sent une orientation à développer le sport plutôt que l’EPS dans les écoles des quartiers populaires, à canaliser l’énergie, à occuper, à encourager les pratiques déjà connues uniquement dans des logiques de performance personnelle.   Que pensez-vous de l’évolution des rythmes scolaires préconisée par Luc Chatel et notamment du dispositif « cours le matin, sport l’après-midi » ?   Michel Fouquet : Pour le SNEP-FSU, ce que nous appelons le SPAM (sport l’après-midi), c’est d’abord un outil commode de communication ministérielle, mais c’est aussi un moyen redoutable de faire passer l’idée qu’il y a des disciplines scolaires fondamentales (celles du matin), et d’autres accessoires ou récréatives (l’EPS et les arts notamment). Logique redoutable, qui justifie à son tour l’intervention du secteur sportif et associatif dans le SPAM : ce n’est plus de l’enseignement, mais de l’animation sportive. Et,  au final, comment ne pas établir la relation entre la suppression massive d’enseignants d’EPS et ce SPAM qui entretient la confusion entre les temps « scolaire » et « périscolaire », entre enseignants chargés d’une discipline scolaire et animateurs issus du secteur associatif ou des collectivités ? Dans le même temps, le SNEP est très attentif au développement du « sport pour tous », à la démocratisation des pratiques physiques et sportives. D’abord à l’école, qui seule concerne tous les jeunes, avec l’EPS et le sport scolaire, mais aussi dans l’offre sportive associative et fédérale, qui doit rester conforme à ses missions de service public.   Stéphane Bonnery : C’est une pièce du puzzle essentielle sur le plan stratégique pour la droite. Une fois supprimée la carte scolaire, une fois cassé le programme national de la scolarité unique en distinguant le socle commun des autres contenus réduits à des options, une fois réduits les postes de fonctionnaires nationaux… il leur reste à faire des écoles de niveaux. Des écoles de bas niveau et sans moyens autres que ceux des collectivités locales, justifiées avec des larmes de crocodiles pour soi-disant « s’adapter » aux élèves « en difficulté » en limitant les contenus enseignés au socle commun assurées par les enseignants (tant qu’il reste des fonctionnaires d’État, puis avec des contractuels), et en confiant l’après-midi à des animateurs. Puis, d’autres écoles, avec des exigences plus ou moins grandes selon la population accueillie, les enseignants recrutés, selon les financements accordés par les collectivités et les sponsors, voire les familles. Le prétexte des rythmes est une vraie mystification. Au nom de ce que certains enfants se fatiguent plus vite face aux activités scolaires, on réduit le nombre d’heures scolaires qui permettent de développer des capacités de concentration… On renonce donc à les préparer à faire des études longues. Avec du fiel caritatif et compassionnel, « ne les fatiguons pas trop, les pauvres… », on entérine l’inégalité de parcours qui se cache derrière l’idée de socle commun. Aux uns sciences, histoire et langues vivantes, aux autres du temps pour taper dans la balle ou faire de la danse de la façon qu’ils connaissent déjà. Rappelons quand même que les pays qui pratiquent l’école le matin et le sport l’après-midi, avec un volume réduit de cours, ne sont pas des pays dans lesquels l’école a historiquement été chargée d’un objectif d’égalité. Cela mérite qu’on y réfléchisse.     Quelles propositions un gouvernement de gauche devra-t-il mettre en place en 2012 ?   Michel Fouquet : En écho à mes réponses aux deux premières questions, je dirais qu’il y aura nécessairement un volet « budget, moyens, postes » qui, avec son corollaire formation -initiale et continue - des enseignants, devra redonner de l’oxygène à un système éducatif asphyxié par la droite décomplexée. Mais il faut aussi d’ores et déjà penser à redonner du souffle à notre École, un véritable souffle démocratique qui ne peut se satisfaire d’une alternance qui verrait la poursuite « en mieux » des réformes actuelles. L’alternative éducative doit reposer avec force l’idée d’une École de la réussite de tous, qui ne peut être celle du socle commun, de la suppression de la carte scolaire et de l’arrêt de la scolarisation « dès 2 an s ». Il faudra abroger les contre-réformes qui jalonnent le parcours de nos ministres successifs et mettre en place de toutes autres réformes capables d’assurer une réelle démocratisation. Sur le champ de l’EPS et du sport scolaire, recréer les postes qui permettent d’améliorer les conditions de travail des jeunes et des enseignants, mettre fin aux dispositifs non pertinents, tels l’accompagnement éducatif sportif, le SPAM, et pour que tous en profitent, augmenter les horaires d’EPS, vers les 5 h pour tous (des étapes sont possibles). Dans le même temps, reprendre à bras le corps la question du sport dans la société, pour en faire un véritable outil de culture et de citoyenneté : développer un véritable sport pour tous à toutes les étapes de la vie. Le SNEP-FSU est prêt à y contribuer. Son initiative de fin mars « Sport demain, enjeu citoyen », vise aussi à peser sur les campagnes électorales qui s’ouvrent.     Stéphane Bonnery : Priorité à l’égalité et au combat contre l’échec scolaire, afin de préparer tous les enfants à suivre des études longues et à construire leur personnalité grâce aux acquisitions scolaires qui ne doivent pas être limitées à ce que les patrons jugent utiles. Dans ce cadre, l’EPS doit viser les mêmes apprentissages pour tous les élèves, garçons et filles, de toutes les classes sociales. Dès maintenant, il y a des batailles à mener qui peuvent rassembler des professions qui ne l’ont pas toujours été jusqu’à présent. Ainsi, le dispositif « école le matin, sport l’après-midi » menace à la fois les élèves et leurs parents quant aux conséquences inégalitaires, mais aussi les enseignants puisque c’est le moyen de supprimer les fonctionnaires d’État en transférant ces missions aux collectivités publiques et au privé. Mais cela concerne aussi les animateurs, qui ne doivent pas être considérés comme des sous-enseignants, l’éducation par les loisirs dans les temps non scolaires ayant toute sa valeur. Scolariser le non-scolaire et déscolariser l’école, c’est un jeu où tout le monde est perdant.

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Michel Fouquet (SNEP-FSU) : « L’éducation physique et sportive et le sport scolaire : une priorité pour 2012 »

le 03 February 2012

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