"Rendre le sport émancipateur"
Réponse du Front de Gauche aux syndicalistes du SNEP – FSU
C’est avec un vif intérêt que nous répondons à vos dix propositions pour rendre le sport émancipateur. Nous vous remercions également de votre invitation au colloque « Sport de demain, enjeu citoyen » où Séverine Peter a présenté les propositions du Front de gauche. Vous les trouverez ci-jointes dans notre document "une nouvelle ambition pour le sport français : l'humain d'abord!". Ce document est le résultat d'un travail de concertation avec les acteurs du mouvement sportif et des auditions de la commission sport du PCF présidées par Nicolas Bonnet, dont celle de la direction nationale du SNEP-FSU. Nos propositions sont mises en débat lors des assemblées citoyennes que nous organisons dans toutes les régions de France auxquelles vos syndiqués sont invités.
Nous constatons que notre programme l’Humain d’abord, fait écho à vos exigences. Pour le Front de Gauche, la pratique du sport doit être au service de l’humain et non du marché et nous créerons les conditions nécessaires pour que toutes et tous puissent accéder à une culture sportive libérée de toute domination. Comme vous le savez, le corps a toujours été un enjeu de domination et d’exploitation. Les doctrines d'oppression commencent toutes par la négation ou le contrôle des corps. Contrôler le corps c'est déjà commencer à contrôler la société. Le camp de l'émancipation que nous représentons, va devoir commencer par rendre efficient le droit à maîtriser son corps et à l'accomplir dans toutes les dimensions du potentiel physique humain avec cette idée que plus cet accomplissement se réalisera plus ce sera une oeuvre de liberté qui se diffusera dans toute la société.
Nous avons un intérêt à ce que le sport se développe car il est source d'émancipation et nous serons les seuls à dire que le corps n'a pas à se justifier à s'accomplir pour des raisons de cohésion sociale ou de santé publique. Nous affirmons que le développement du sport est impensable sans une EPS développée et un sport scolaire bien implanté dans tous les établissements scolaires. Les horaires, doivent être améliorés à tous les niveaux de la scolarité obligatoire mais aussi dans l’enseignement supérieur, les équipements nécessaires, les recrutements d’enseignants d’EPS, la garantie d’animation du sport scolaire, sont les piliers structurant les pratiques volontaires civiles et pour lesquels nous nous engageons à prendre toutes les mesures nécessaires.
Pour rendre le sport émancipateur, pour le libérer de toutes formes d’exploitation, la priorité pour le candidat du Front de Gauche sera de « dé-financiariser » le sport dans une situation tellement dégradée que les méthodes ordinaires ne suffiront pas. L'ampleur des dégâts de l'argent dans le sport est considérable, il faudra éradiquer la corruption qui est devenue un problème gigantesque qui pourrit le sport de l'intérieur. Nous avons une série de propositions pour cela : l'interdiction de la cotation en bourse, l'interdiction des paris sportifs en ligne, des salaires plafonds pour les sportifs professionnels avec un écart de 1 à 20 ou encore la création d'une taxe sur les équipementiers. Mais avant tout, pour rendre le sport émancipateur, notre programme propose d’engager six ruptures pour une alternative à la marchandisation du sport :
La spécificité du sport comme activité créatrice de l’être humain doit être réaffirmée, nous devons sortir définitivement le sport des logiques de la concurrence marchande par une nouvelle loi cadre renforçant le service public du sport.
Le sport ne doit pas être dilué dans la cohésion sociale ou dans la santé publique. Sa démocratisation exige une politique nationale qui s’adresse à toute la population et à tous les niveaux de pratique.Comme toute activité culturelle, le sport doit rester un outil d’éducation, de libération, permettant à chacun(e) de développer ses capacités inventives et créatrices, sa liberté. Nous défendons une politique sportive qui permette à toutes et tous d'atteindre le plus haut niveau possible d'accomplissement de soi.
La vie associative est un pilier essentiel de l’organisation du sport en France. Les clubs constituent autant d’espaces de formation citoyenne. Elle doit être préservée de toutes dérives et concurrences commerciales et soutenue au regard d’objectifs éducatifs et démocratiques par une intervention publique forte et une valorisation du bénévolat. Nous nous engageons à lui redonner toute sa place dans un service public du sport rénové et proposons d’inscrire l’encouragement de l’engagement associatif dans la constitution de la 6ème République en insistant sur la représentation des associations dans toutes les instances de concertation à tous les échelons de la vie démocratique.
L’objectif de citoyenneté passe par la démocratisation et la maîtrise collective des structures d’organisation et de gestion du sport (clubs, fédérations, comités olympiques et sportifs, services publics, entreprises…). L'avenir du modèle sportif français mérite un grand débat démocratique, avec les hommes et les femmes du mouvement sportif, avec les parlementaires, avec les élu-e-s locaux, avec les partenaires sociaux concernés.
Le sport professionnel, ses manifestations et leur traitement médiatique (championnats, spectacles, événements sportifs nationaux et internationaux), le recrutement des jeunes et leur charge de travail, l’appel aux joueurs étrangers doivent viser des objectifs humanistes de progrès pour toutes et tous. L’ensemble des richesses créées par la haute performance sportive, qu’elles soient culturelles, économiques ou technologiques doivent participer au développement du sport pour l'ensemble de la population.
L’arrêt Bosman en 1995 et l’orientation libérale de l’Union européenne ont accru le caractère marchand et dénationalisé du spectacle sportif ainsi que la privatisation des services sportifs. S’affranchir du traité de Lisbonne sera indispensable pour préserver le sport de la marchandisation et construire une autre politique sportive européenne.
C’est à partir de ces six ruptures que nous vous proposons de répondre à vos 10 propositions.
Nos engagements sur l’éducation physique et sportive
et le sport scolaire
Nous considérons que l’égalité d’accès à toutes les pratiques sportives passe d’abord par l’école avec l’enseignement de l’EPS et le sport scolaire. L’accès de toutes et tous aux activités physiques et sportives commence à l’école. L'Education nationale doit garantir un enseignement obligatoire minimum de 3h à 5h d’EPS de la maternelle à l’université en insistant sur le niveau de formation et les contenus. Cela implique une augmentation significative du nombre d’enseignants d’EPS par un grand plan national de recrutement et la formation des professeurs des écoles au cours des prochaines années. Nous soutiendrons le développement d’installations sportives adaptées à l’EPS sur le lieu de l’enseignement ou à proximité, gérées par les collectivités et ouvertes aux associations sportives locales. De même, les associations sportives scolaires et universitaires, fédérée par l’USEP, l’UNSS ou la FFSU, seront fortement soutenues pour leur fonctionnement dans chaque établissement.
Nous proposons d’agir tout de suite pour :
Nos réponses à vos 10 propositions sur le sport :
1. Première proposition
Nous partageons votre première proposition que l’État assume la responsabilité d’organiser le développement de toutes les formes et tous les cadres de pratique. Nous considérons que le service public est la garantie du droit d'accès au sport pour toutes et tous. Le premier objectif du Front de Gauche est de sortir définitivement le sport des logiques de marché, de concurrence et de marchandisation. Nous déclarerons le sport comme un bien public justifiant une mission de service public.
Nous proposons d’agir tout de suite pour :
2. Seconde proposition
Nous partageons votre volonté de retrouver un budget ambitieux nécessaire au développement du sport, de l’enseignement de l’EPS. Le budget national consacré au sport n’a jamais dépassé les 0,2% du budget national avec une prédominance de fonds extra budgétaires qui dépendent à 80% du financement de la Française des Jeux. C’est pourquoi nous proposerons de financer le sport de manière plus équitable avec un budget de l’Etat consacré aux activités physiques et sportives qui soit dès à présent doublé, puis d'évoluer vers 1% du budget de l’Etat, en fin de mandature, hors crédits extra budgétaires. Nous augmenterons significativement la « taxe Buffet » sur les droits de diffusion des manifestations sportives à la télévision. Enfin, ce budget sera abondé par la création d’un prélèvement sur les capitaux financiers issus de la commercialisation des produits sportifs.
3. Troisième proposition
Nous partageons votre troisième proposition et nous engagerons, avec les collectivités territoriales, un plan national pour le développement des installations sportives institué par une nouvelle loi de financement et la création d’un fonds national destiné à aider les collectivités territoriales à financer les rénovations et nouvelles réalisations. Elle s’appuiera sur des schémas de cohérence territoriaux ainsi qu'un schéma directeur de cohérence nationale qui prendront en compte les besoins en équipements et aménagements d’espaces naturels indispensables au développement de toutes les disciplines et de tous les niveaux de pratiques. Les carences en équipements sportifs pour les pratiquants non licenciés, ou auto-organisés seront également diagnostiquées. Il s’agira de développer l’accès aux espaces de pratiques urbaines et de pleine nature (halles des sports, plaines de jeux, bases de loisirs, pistes de jogging, pistes cyclables, parcours de remise en forme, chemins de randonnées, terrains de boules, roller parc, etc…).
L’essentiel des dépenses publiques engagées ces dernières années ont visé à améliorer la sécurité et le standing pour offrir confort et luxe, ou à transformer les stades en parcs d’attraction pour inciter à consommer toujours plus. Or, les infrastructures doivent être conçues pour répondre aux besoins de la population et non pour être seulement rentables. Au même titre que le patrimoine culturel, les équipements sportifs représentent un patrimoine commun. Ils constituent un lieu de vie et de pratique sportive qui doit être accessible à toutes et tous. L’investissement doit être au service d’une conception ne se limitant pas au spectacle, mais contribuant à la formation des espoirs, permettant l’accueil d’une diversité de disciplines et de pratiquants, et favorisant notamment la pratique des femmes, des amateurs et des scolaires.
Nous proposons d’agir tout de suite pour :
4. Quatrième proposition
Nous partageons le constat que la formation des éducateurs et éducatrices sportifs doit être améliorée, leur qualification plus élevée. Nous proposons d’engager un plan national pour développer l’emploi et la valorisation des métiers du sport dans le cadre d’un service public rénové offrant des débouchés dans l’Éducation nationale, le Ministère des sports, les collectivités territoriales, les associations sportives et l’industrie du sport.
Nous proposons d’agir tout de suite pour :
5. Cinquième proposition
Nous partageons l’idée de rétablir un CREPS par région. Leurs missions seront élargies, la formation sera développée, l’encadrement et le suivi du haut niveau confortés, le soutien au sport pour tous sera soutenu. Nous développerons leur action en lien avec les universités et l’intervention des Régions sera discutée dans le cadre de la clarification des compétences et des moyens des collectivités territoriales.
6. Sixième proposition
Nous considérons que la vie associative joue un rôle essentiel d’éducation populaire et d’émancipation de la personne. Seule une politique nationale affirmée de formation, de valorisation et de soutien aux associations et au bénévolat sera garante de sa pérennité.
L’engagement bénévole ne doit pas être un luxe. Or, cet engagement dépend des conditions de vie et notamment de deux facteurs : la disponibilité en temps et le niveau de vie permettant de s’épanouir dans une activité sociale désintéressée. En conséquence, la vie associative et l’engagement bénévole seront soutenus au regard d’objectifs éducatif et démocratique, les préservant de toutes dérives commerciales.
Nous proposons d’agir tout de suite pour :
7 et 8. Septième et huitième proposition
Le gouvernement a supprimé en 2008 par décret le Conseil National des Activités Physiques et Sportives concrétisé en 2001 par Marie George Buffet. Il a créé en 2012 une nouvelle instance appelée « Conférence nationale du sport », bien en deçà des exigences de démocratie et des enjeux du sport français, se réduisant à quatre composantes avec une sur représentation patronale, et l'absence notoire d’une partie des pratiquants, des organisations syndicales, des chercheurs et du monde de l'éducation physique. Or le CNAPS garantissait une consultation permanente sur des enjeux identifiés et émettait son avis sur tous les projets de Loi concernant le sport. Le CNAPS était doté par l’Etat de personnels, d’un budget de fonctionnement et de locaux pour la réalisation de ses missions.
Nous proposons d’agir tout de suite pour :
9. Réponse à votre neuvième proposition
L’actualité du sport business a rattrapé le gouvernement au cours de la dernière Coupe du monde de football ou encore avec les salaires indécents des footballeurs professionnels et les affaires de dopage. Si certaines pratiques répréhensibles se sont développées ces dernières années, c’est d’abord du fait des choix politiques qui ont soutenu la marchandisation du sport.
Le Front de Gauche porte une autre conception de la compétition sportive qui s’inscrit dans le respect de règles communes et de ses partenaires autant que de ses adversaires. Nous défendons un sport respectueux de l’être humain, qui soit porteur d’une éthique et de valeurs de solidarité. En offrant à chacune et chacun l’occasion d’expérimenter et de repousser ses limites personnelles, le jeu peut ainsi être un facteur de progrès individuel et collectif et contribuer à construire de véritables solidarités, à condition qu’il ne soit pas écrasé par l’enjeu. La haute performance sportive sera soutenue comme un élément essentiel de création de richesses, qu’elles soient culturelles, économiques ou technologiques… Ces richesses doivent être mises au service du développement du sport pour toutes et tous. La pratique du sport professionnel devra viser des objectifs humanistes, d’éducation, de progrès pour toutes et tous.
Nous proposons d’agir tout de suite pour :
10. Réponse à votre dixième proposition
Nous nous engagerons à mettre en débat une nouvelle loi d’orientation et une réflexion sur l’échelon européen est nécessaire. L’Europe doit être un territoire déterminant pour défendre la spécificité éducative du sport et lutter contre sa marchandisation. Malgré une reconnaissance de la dimension sociale et éducative du sport, le traité de Lisbonne impose de fait la libre concurrence et la destruction des services publics en Europe, y compris dans le domaine des activités physiques et sportives. Dans les systèmes scolaires européens, une externalisation de l’EPS au profit d’un « sport à l’école » dans la tradition anglo-saxonne s'instaure progressivement. L'objectif est double : ne conserver que les matières scolaires jugées « utiles » pour l’économie et abandonner à la discrétion du mouvement sportif l’éducation par le sport, au détriment d’une éducation physique et sportive obligatoire pour toutes et tous. S’affranchir du traité de Lisbonne sera indispensable pour préserver le sport de la marchandisation et construire une autre politique sportive européenne
Nous considérons que l'unité, dans le cadre républicain, passe par la reconnaissance à égalité de toutes les formes de pratiques et des motivations sur lesquelles elles reposent. Nous constatons de plus en plus que les activités physiques et sportives ne se pratiquent pas uniquement en club. Les pratiques sportives auto-organisées dans l’espace public sont nombreuses et recouvrent différentes formes : pratique urbaines, de pleine nature, traditionnelles, de jeux, solitaires ou en groupe. Ces pratiques constituent autant le reflet de la société contemporaine, qu'une contribution à son évolution. Elles interrogent à ce titre le mouvement sportif et les politiques sportives publiques.
Nous proposons d’agir tout de suite pour :
Autre proposition sur la laïcité et les pratiques des femmes
Nous engagerons une politique sportive qui réaffirme la laïcité et la mixité dans les espaces publics et développer les pratiques des femmes. Si les femmes sont plus nombreuses à pratiquer une activité physique et sportive, les inégalités entre les sexes et les stéréotypes de genre persistent. Les femmes restent cantonnées à certaines pratiques et exclues d'autres considérées comme « trop viriles ». Or, cette ségrégation n'est pas l'effet d'une différence de goûts « naturels », mais le produit de nombreux facteurs sociaux, politiques, institutionnels et religieux. La culture sportive, au sens du projet émancipateur que lui donne le Front de Gauche, n’est compatible avec aucune soumission qu’elle soit liée à une tradition ou à des pratiques de domination masculine. La féminisation de la pratique des disciplines considérées comme « masculines » sera encouragée et un accès mixte aux équipements sportifs sera garanti. Il s’agit enfin de promouvoir une meilleure représentation des femmes dans le monde sportif. Représentation dans les instances dirigeantes du mouvement sportif mais aussi représentation des pratiques féminines dans les médias. En dépit de leurs performances de premier rang mondial, les matchs des équipes de France de football ou de handball ont été très insuffisamment retransmis.
Nous proposons d’agir tout de suite pour :
le 06 avril 2012
Il y a actuellement 0 réactions
Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.