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Une Ministre sans ministère ou la liquidation discrète d'un service public

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Les sports retrouvent un ministère de plein exercice, voilà de quoi rassurer tout le monde !

Sauf qu'ils ne reçoivent que 0,14% du budget de l’Etat, bien loin des 3% promis par le candidat Sarkozy 2007 tandis que le démantèlement de son administration se poursuit sous l'égide de la RGPP et que ses personnels s'interrogent sur leur mission après une mise sous tutelle du ministère du Travail !

Autre signe des temps : pour la première fois, les crédits extrabudgétaires fortement mis en avant du CNDS, fondés sur l’addiction des joueurs et des téléspectateurs, dépassent pour 2011 le budget des sports.

La Ministre est donc contrainte de saborder le sport pour tous et les actions de proximité et, à l'instar de ses récents prédécesseurs, devra user d’une bonne communication pour masquer l’absence de toute politique et moyens publics du sport jusqu’en 2012. Après un rapport RGPP2 ayant proposé de supprimer définitivement le service public du sport, elle doit ainsi relever le défi du démembrement, sans trop brusquer, en vendant chaque petit bout à la découpe : formation aux métiers du sport, sport en entreprise, sport santé, grands stades et grandes salles, CREPS, les personnels (pour ce qui l’en reste), la pratique sportive de tous… à chaque domaine son coup de hache.

Ce ministère a donc été mis en place, non pour réparer la machine, mais pour fluidifier la pénétration des intérêts marchands dans le sport.

Retour sur le budget du sport : un désengagement quantitatif et qualitatif.

Dans la Loi de finances 2011, le sport est l'un des secteurs les plus affectés par la rigueur. La part du budget de l'État allouée au programme « sport » est passée de 243,7 millions d'euros à 208,5 millions d'euros, soit une diminution de 14,4% hors inflation. La baisse atteint même 40% par rapport au budget de 2003. Coïncidence révélatrice, on apprenait au même moment que le chiffre d'affaires du club de football espagnol du Real Madrid avoisinait les 450 millions d'euros annuels.

Pour la première fois, ce programme passe en dessous des moyens de la mission « jeunesse et vie associative », elle-même en réalité fortement ponctionnée par des ressources allouées aux associations de proximité au profit du projet de « service civique », dont les orientations sont du reste très discutables. Celui-ci absorbe 45,9 % du budget de la mission en 2011, et 65,2% en 2013.

Si cette évolution s'inscrit dans une tendance plus générale à la réduction des dépenses publiques dans le cadre de la RGPP, celle-ci indique aussi et surtout une réorientation très nette des priorités en matière d'organisation des activités physiques et sportives dans notre pays, suivant un axe très clair : la liquidation du service public du sport au profit d'un « charity business », laissant la part belle au mécénat paternaliste et intéressé des grandes firmes privées.

Le CNDS : des sources de financement problématiques

Si la Ministre affirme que le budget des sports n’est pas en baisse, c’est parce qu’elle intègre dans ses comptes les crédits du CNDS. Dès lors, au-delà des montants, La question de l'origine des financements se pose.

Voué originellement à assurer un financement indépendant du mouvement sportif, et en particulier l'accès au sport pour toutes et tous, le CNDS apparaît désormais comme un auxiliaire du redéploiement de l'action étatique dans le sport. Si l’État a confirmé 150 millions d'euros sur quatre ans pour l’Euro 2016, la Ministre a dû annoncer une hausse exceptionnelle de 1,8 à 2,1% de la taxe imposée aux mises sur les jeux « en dur » de la Française des Jeux qui devrait rapporter au CNDS 120 millions d'euros supplémentaires. Le CNDS constitue une cagnotte dans laquelle le gouvernement pioche si besoin ou, à l'inverse, à laquelle il affecte certaines ressources extraordinaires pour éviter de les allouer ailleurs.

A cela s'ajoute le caractère aléatoire de telles ressources, puisqu'elles sont gagées sur les droits de retransmission audiovisuels et les jeux de hasard. On peut s'interroger sur le bien-fondé d’un financement reposant sur l'addiction des joueurs, l'avidité des officines de ces nouveaux casinos ou même le trucage de compétitions.

Le CNDS s'apparente à une agence non gouvernementale telle que les affectionne le « nouveau management public » néolibéral car elles permettent entre autres de substituer des emplois contractuels précarisés à des postes de fonctionnaires, comme dans le domaine de la santé via les Agences régionales hospitalières (ARH).

Les questions à mettre d'urgence en débat

1) La mutualisation des ressources au sein du mouvement sportif, dont l'unité est une condition nécessaire au développement du sport dans toutes ses dimensions. Les revenus tirés des droits télévisuels et du sponsoring profitent surtout aux clubs les plus représentés et à leurs ligues et fédérations respectives, au détriment du sport amateur et des fédérations moins affichées médiatiquement.

2) Le statut des métiers du sport. La formation tend à être abandonnée progressivement au secteur privé lucratif, comme l'illustre la fermeture de certains CREPS et la baisse du budget alloué à ce domaine.

3) La question du budget ne doit pas occulter celle de la réglementation, notamment le contrôle de gestion des clubs professionnels. Une récente étude de l'UEFA a montré que 732 clubs de football en Europe cumulaient en 2007-2008 une dette de 6,3 milliards d'euros. Depuis, la situation s'est encore dégradée et les seuls clubs français de football enregistrent pour cette année un déficit record de 180 millions d'euros. Le modèle économique du sport professionnel doit être redéfini rapidement.

4) Il faut augmenter dès maintenant les moyens alloués aux activités physiques et sportives, qui jouent un rôle primordial dans le développement et l'émancipation de chacune et chacun. Dans cette optique, les députées communistes Marie-George Buffet et Marie-Hélène Amiable ont déposé une proposition d'amendement au budget 2011 visant à relever de 5 à 7% le taux de la taxe sur les droits audiovisuels qui permet de les financer.

Au-delà, c'est bien l'organisation générale du « modèle sportif français » qui doit être débattue largement. La tendance est au remplacement du ministère des sports par une « agence du sport français », telle que préconisée par dans le rapport de David Douillet au chef de l'État. Dans la droite ligne de l'idéologie néo-libérale, cette « agence » laisserait l'initiative aux opérateurs privés, abandonnant de fait toute considération de service public. C'est le modèle sportif français qui est remis en cause et avec lui l'unité du mouvement sportif et la solidarité qui doivent au contraire y être renforcées.

 

Igor Martinache, doctorant en Sciences politiques

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Une Ministre sans ministère ou la liquidation discrète d'un service public

le 11 March 2011

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