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Vers la privatisation des équipements sportifs ? Humanité des Débats 1 Avril, 2011

 
 
 
 

Vers la privatisation des équipements sportifs ? Humanité des Débats 1 Avril, 2011

Par Marie George Buffet, le 07 avril 2011

Vers la privatisation des équipements sportifs ? Humanité des Débats 1 Avril, 2011

a-t-il urgence avant l’Euro 2016 à mettre en oeuvre un nouveau mode de financement

des grandes enceintes sportives ?

BERNARD DEPIERRE. Cette proposition de loi était très attendue par plusieurs villes candidates à l’organisation de l’Euro 2016 qui doivent rénover leurs stades afin de répondre au cahier des charges fixé par l’UEFA. En effet, certaines ne sont toujours pas parvenues à trouver toutes les solutions de financement pour mener à bien leur projet de rénovation. C’est cette difficulté que mon texte vient résoudre en facilitant le recours aux subventions, comme cela avait d’ailleurs été prôné par le rapport « Grands Stades » rédigé par Philippe Séguin.

 

MARIE-GEORGE BUFFET. On obtient l’Euro 2016 et je m’en félicite, mais on s’aperçoit maintenant qu’il n’y a pas les financements publics nécessaires pour mettre en oeuvre les rénovations ou les constructions de stades ! Sur ce, on fait une loi d’exception, j’emploie un terme grave, qui va déroger au Code des collectivités publiques comme au Code du sport, pour permettre à l’argent public des collectivités de nourrir des entreprises commerciales. En fait, on fait une loi pour satisfaire les groupes qui vont travailler sur trois stades : Paris, Lens et Nancy.

 

Cette proposition de loi n’est-elle pas finalement plus favorable aux futurs entrepreneurs

qui géreront les stades, alors que les charges d’entretien seront en partie ou entièrement

publiques ?

MARIE-GEORGE BUFFET. Oui, tout cela a commencé, d’ailleurs, par un « cavalier » passé dans une loi sur le tourisme et qui fait en sorte que les enceintes et les équipements connexes soient déclarés d’intérêt général. Les collectivités seront ainsi amenées à financer les à-côtés des stades… À ce rythme-là, on aura des OL Land, des centres commerciaux et des loges VIP. On se demande où passe le vrai sport dans tous ces stades qu’on nous dessine… Pourtant, il y avait dans le Code du sport des articles qui régulaient les subventions des collectivités territoriales vers les sociétés anonymes sportives. Les subventions devaient servir l’intérêt général. Avec l’article 2 de la loi, on fait sauter tout cela : de l’argent public peut servir tout simplement à une entreprise commerciale. J’attire l’attention de ceux qui ont fait cette proposition de loi et du gouvernement sur le fait que nous nous sommes battus pour faire reconnaître la spécificité sportive dans les traités européens en montrant que le sport relève de l’intérêt général. Si, aujourd’hui, l’argent public, au prétexte du sport, sert à financer des centres commerciaux, et sert seulement certains stades, on va nous opposer la règle de la libre concurrence. La possibilité de faire un recours devant le Conseil constitutionnel existe.

 

BERNARD DEPIERRE. Non, car il est question de baux administratifs, c’est-à-dire que les stades demeurent la propriété de la collectivité publique. Par rapport aux rénovations qui avaient précédé l’organisation de la Coupe du monde en 1998 s’amorce une modification du modèle économique de financement de grandes infrastructures sportives. Jusqu’à présent, le financement de ces infrastructures était à la charge quasi exclusive des communes, avec parfois le soutien financier de l’État. La palette de financement proposée est plus large, laissant ainsi plus de place aux investisseurs privés. Ma proposition de loi signale, de ce point de vue, l’entrée dans une nouvelle ère, plus souple.

 

Comment garantir avec un objectif de rentabilité l’accès de tous aux stades, les scolaires,

les féminines, les amateurs ?

BERNARD DEPIERRE. Comme je l’indiquais, dans 80 % des cas, les stades demeurent la propriété des collectivités. Charge aux élus locaux, lorsqu’ils passeront les contrats de concession avec un investisseur privé, d’imposer un cahier des charges définissant des conditions préférentielles pour que chacun, peu importe ses ressources, puisse venir assister aux différents événements qui se dérouleront dans ces enceintes.

 

MARIE-GEORGE BUFFET. Les équipements sportifs relèvent des missions de service public. Comme l’éducation, le sport est un droit. Comme les écoles, les stades, les gymnases, les piscines doivent relever des financements de l’État et des collectivités territoriales. Cela demande, entre autres, de porter la part du budget de l'État dédié aux sports à un niveau beaucoup plus élevé que le moins de 1 % actuel. Le président de la République, alors candidat en 2007, promettait 3 % !

 

N’y a-t-il pas, en cédant aux surenchères de garanties demandées par l’UEFA, le risque de

créer des éléphants blancs dans certaines villes une fois passé l’Euro 2016 ?

 

MARIE-GEORGE BUFFET. Oui, il y a des exigences de la part des fédérations internationales sur la dimension des sièges, les loges VIP, l’accueil de 5 000 personnalités ou partenaires, qui font que, demain, on peut effectivement se retrouver avec des stades surdimensionnés. Et ne rêvons pas, nous n’avons pas une offre de spectacles qui permettra de remplir tous les mois ces enceintes. Bref, on risque demain d’avoir des collectivités, des clubs, qui ne pourront pas faire face au poids de la charge d’équipements sous-utilisés.

 

BERNARD DEPIERRE. Il ne faut pas considérer le cahier des charges de l’UEFA comme une contrainte, mais plutôt comme une opportunité. Le parc des stades français souffre d’un retard alarmant par rapport à nos voisins européens. Notre pays ne possède que deux stades de plus de 50 000 places, alors que l’Allemagne en compte sept, l’Espagne, six… En outre, la qualité des prestations qu’offrent les stades français à leurs partenaires est très en deçà des normes européennes. Il est donc indispensable de moderniser nos stades d’autant plus que, contrairement à l’impact économique éphémère des jeux Olympiques, l’organisation d’un championnat d’Europe de football fournit un héritage sur plusieurs décennies puisque des clubs résidents jouent tous les week-ends dans ces stades. L’expérience a ainsi montré, non seulement avec le Stade de France, mais aussi en Allemagne, que les efforts en matière de rénovation étaient bénéfiques tant en termes d’affluence dans les stades qu’en termes de diversification des spectateurs eux-mêmes, de meilleures conditions d’accueil et de sécurité incitant les familles à retourner assister aux grandes compétitions.

 

ENTRETIENS CROISÉS RÉALISÉS PAR ANNA MUSSO ET FRÉDÉRIC SUGNOT

A propos de cette contribution

Par Marie George Buffet, le 07 avril 2011

 

Extrait

Face à face

entre BERNARD DEPIERRE, député  de la Côte d'Or, secrétaire national de l'UMP en charge du sport,

" Cette proposition de loi était très attendue par plusieurs villes candidates à l’organisation de l’Euro 2016 qui doivent rénover leurs stades afin de répondre au cahier des charges fixé par l’UEFA."

et

MARIE GEORGE BUFFET, ancienne Ministre de la jeunesse et des sports (1997-2002), députée PCF de Seine Saint Denis

"on fait une loi d’exception, j’emploie un terme grave, qui va déroger au Code des collectivités publiques comme au Code du sport, pour permettre à l’argent public des collectivités de nourrir des entreprises commerciales. En fait, on fait une loi pour satisfaire les groupes qui vont travailler sur trois stades : Paris, Lens et Nancy."

Marie George Buffet Par Marie George Buffet

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