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Gilles Garnier : Dur, dur d’être bénévole

 
 
 
 

Gilles Garnier : Dur, dur d’être bénévole

le 01 avril 2011

Gilles Garnier : Dur, dur d’être bénévole

Tribune de Gilles Garnier, Conseil Général de Seine St Denis, publiée dans l'Humanité en 2009

Quand le système est en crise, quand les conséquences dans sa vie sont terribles (baisses de salaire, perte d’emploi, délocalisation…) a-t-on le temps et le coeur de continuer à s’occuper des autres ?

La vision traditionnellement paternaliste de la droite à l’égard du bénévolat tend à minimiser les conséquences du contexte économique et social dans l’engagement citoyen et social. A fortiori avec l’instauration d’un sport à deux vitesses, un club fermé pour les pros (le rêve de certains magnats du sport) et le sport pour tous, l’écart se creuse. Le rêve des marchands : le sport spectacle pour faire “rêver” et surtout pour consommer la publicité et les produits dérivés et quant au sport pour tous c’est débrouillez vous! En tentant de rompre l’unicité du sport et la nécessaire solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur, le tableau commence à prendre forme.

Le ministre Lamour n’avait-il pas parlé de “clients” et non plus de pratiquants et de licenciés?

Il est vrai que la pratique sportive peut dans une logique totalement libérale ne plus avoir besoin de structure associative. Le tableau est noir et alarmiste mais il est réel. Au lieu d’avoir privilégié l’aide à la création de clubs ou d’associations pour des pratiques encore jeunes, comme le sport en salle ou la musculation par exemple, on a favorisé la création d’un “marché” de la pratique sportive. Pour être simpliste : le gymnase club comme horizon indépassable des pratiques loisirs. Il y a aussi désormais des salles privées de pratiques de foot en salle ou d’autres sports. Après avoir asphyxié les collectivités locales qui soutiennent massivement les pratiques amateurs, on favorise le dépeçage du sport loisir.

Alors, dans ce paysage, que deviennent les bénévoles ?

Pour plagier Sieyès: Que sont-ils ? Rien. Que veulent-ils ? Tout.

Les bénévoles, dans le sport comme ailleurs, ont besoin de trois choses: la reconnaissance, le temps et l’argent.

Je m’explique. La reconnaissance cela veut dire ne pas être considéré comme la variable d’ajustement dans les politiques publiques, ce que le marché ne peut ou ne veut faire, ce que le service public ne peut plus faire et bien laissons le aux bénévoles. C’est à l’inverse de cette tendance qu’il faut aller parce que les ont l’expertise et souvent l’innovation au coeur. Ils sont en capacité de proposer y compris aux acteurs publics des réponses aux enjeux actuels. Donnons leur les moyens d’être force de proposition, y compris dans la prise en charge des nouveaux publics et des nouvelles pratiques.

Du temps : le temps du bénévole est historiquement considéré comme du temps volé, puisque échappant au temps de travail, au temps consacré à la vie familiale et encore plus au temps marchand. Il est cet interstice défini en creux. Il faut au contraire adapter le temps de travail au temps consacré à l’autre, au temps social. La loi sur les 35 heures et l’annualisation du temps de travail a ouvert fortement la brèche du samedi potentiellement travaillé. Cette loi avait déjà écorné le temps du bénévolat. La loi sur le travail du dimanche parachève cette volonté de déstructurer la vie sociale puisque les activités dominicales sont d’abord vues par le gouvernement comme du temps de consommation et non pas du temps à consacrer aux autres. Nous ne pouvons pas encore voir les conséquences que cela aura sur les pratiques amateurs et en particulier sportives, mais il faudra faire le bilan de cette mauvaise loi qui marchandise le peu d’espace temps restant que l’on pouvait consacrer à soi, à sa famille et aux autres dans un esprit altruiste et désintéressé.

Le temps c’est aussi celui du dialogue avec les autorités publiques et les partenaires privés.

L’argent? Pas pour lui bien sûr. Le bénévole n’en demande pas ou peu. Mais, en revanche, il souhaite légitimement que la structure à laquelle il participe puisse prendre en charge les activités sans s’épuiser à trouver 3 sous pour faire un euro. Voilà pourquoi les décisions budgétaires du gouvernement, l’alignement sur les logiques concurrentielles de l’Europe libérale, les ressources en diminution des collectivités, l’incertitude totale sur l’avenir du sport pour tous dans la réforme annoncée des collectivités locales inquiète.

La fin de la compétence générale pour les collectivités empêchera celles-ci de mener avec les instances sportives locales des politiques innovantes, voire des politiques classiques. Derrière cette réforme, il y a la volonté de précipiter définitivement les clubs sportifs vers les financements privés et surtout, pour boucler la boucle, de supprimer l’échelon local de dialogue et de construction des politiques sportives qu’étaient les DDJS. Toutes les aides, qu’elles viennent de l’État ou des collectivités locales, devraient favoriser le bénévolat. Simplifications des demandes de subventions, aides techniques ou en personnel pour gérer la paperasserie qui envahit la vie des associations sportives locales, emplois aidés… tout cela n’est pas l’ennemi du bénévolat. Au contraire, elles permettent au bénévole de se consacrer à ce pourquoi il s’est engagé, la vie de son club, la transmission des règles des pratiques concernées, mais aussi et surtout le lien social, la convivialité, la solidarité… valeurs consubstantielles de l’engagement associatif. C’est ce projet de société que nous voulons défendre. Un État efficace, une collectivité locale efficace doivent faciliter l’engagement bénévole.

On est loin de la coupe aux lèvres. Mais la spécificité associative française est pétrie d’une histoire riche de luttes et elle résistera au tout marchand.

A propos de cette contribution

le 01 avril 2011

 

Extrait

Tribune de Gilles Garnier, Conseil Général de Seine St Denis, publiée dans l'Humanité en 2009

Quand le système est en crise, quand les conséquences dans sa vie sont terribles (baisses de salaire, perte d’emploi, délocalisation…) a-t-on le temps et le coeur de continuer à s’occuper des autres ?

La vision traditionnellement paternaliste de la droite à l’égard du bénévolat tend à minimiser les conséquences du contexte économique et social dans l’engagement citoyen et social. A fortiori avec l’instauration d’un sport à deux vitesses, un club fermé pour les pros (le rêve de certains magnats du sport) et le sport pour tous, l’écart se creuse. Le rêve des marchands : le sport spectacle pour faire “rêver” et surtout pour consommer la publicité et les produits dérivés et quant au sport pour tous c’est débrouillez vous! En tentant de rompre l’unicité du sport et la nécessaire solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur, le tableau commence à prendre forme.

Le ministre Lamour n’avait-il pas parlé de “clients” et non plus de pratiquants et de licenciés?

Il est vrai que la pratique sportive peut dans une logique totalement libérale ne plus avoir besoin de structure associative. Le tableau est noir et alarmiste mais il est réel. Au lieu d’avoir privilégié l’aide à la création de clubs ou d’associations pour des pratiques encore jeunes, comme le sport en salle ou la musculation par exemple, on a favorisé la création d’un “marché” de la pratique sportive. Pour être simpliste : le gymnase club comme horizon indépassable des pratiques loisirs. Il y a aussi désormais des salles privées de pratiques de foot en salle ou d’autres sports. Après avoir asphyxié les collectivités locales qui soutiennent massivement les pratiques amateurs, on favorise le dépeçage du sport loisir.

Alors, dans ce paysage, que deviennent les bénévoles ?

Pour plagier Sieyès: Que sont-ils ? Rien. Que veulent-ils ? Tout.

Les bénévoles, dans le sport comme ailleurs, ont besoin de trois choses: la reconnaissance, le temps et l’argent.

Je m’explique. La reconnaissance cela veut dire ne pas être considéré comme la variable d’ajustement dans les politiques publiques, ce que le marché ne peut ou ne veut faire, ce que le service public ne peut plus faire et bien laissons le aux bénévoles. C’est à l’inverse de cette tendance qu’il faut aller parce que les ont l’expertise et souvent l’innovation au coeur. Ils sont en capacité de proposer y compris aux acteurs publics des réponses aux enjeux actuels. Donnons leur les moyens d’être force de proposition, y compris dans la prise en charge des nouveaux publics et des nouvelles pratiques.

Du temps : le temps du bénévole est historiquement considéré comme du temps volé, puisque échappant au temps de travail, au temps consacré à la vie familiale et encore plus au temps marchand. Il est cet interstice défini en creux. Il faut au contraire adapter le temps de travail au temps consacré à l’autre, au temps social. La loi sur les 35 heures et l’annualisation du temps de travail a ouvert fortement la brèche du samedi potentiellement travaillé. Cette loi avait déjà écorné le temps du bénévolat. La loi sur le travail du dimanche parachève cette volonté de déstructurer la vie sociale puisque les activités dominicales sont d’abord vues par le gouvernement comme du temps de consommation et non pas du temps à consacrer aux autres. Nous ne pouvons pas encore voir les conséquences que cela aura sur les pratiques amateurs et en particulier sportives, mais il faudra faire le bilan de cette mauvaise loi qui marchandise le peu d’espace temps restant que l’on pouvait consacrer à soi, à sa famille et aux autres dans un esprit altruiste et désintéressé.

Le temps c’est aussi celui du dialogue avec les autorités publiques et les partenaires privés.

L’argent? Pas pour lui bien sûr. Le bénévole n’en demande pas ou peu. Mais, en revanche, il souhaite légitimement que la structure à laquelle il participe puisse prendre en charge les activités sans s’épuiser à trouver 3 sous pour faire un euro. Voilà pourquoi les décisions budgétaires du gouvernement, l’alignement sur les logiques concurrentielles de l’Europe libérale, les ressources en diminution des collectivités, l’incertitude totale sur l’avenir du sport pour tous dans la réforme annoncée des collectivités locales inquiète.

La fin de la compétence générale pour les collectivités empêchera celles-ci de mener avec les instances sportives locales des politiques innovantes, voire des politiques classiques. Derrière cette réforme, il y a la volonté de précipiter définitivement les clubs sportifs vers les financements privés et surtout, pour boucler la boucle, de supprimer l’échelon local de dialogue et de construction des politiques sportives qu’étaient les DDJS. Toutes les aides, qu’elles viennent de l’État ou des collectivités locales, devraient favoriser le bénévolat. Simplifications des demandes de subventions, aides techniques ou en personnel pour gérer la paperasserie qui envahit la vie des associations sportives locales, emplois aidés… tout cela n’est pas l’ennemi du bénévolat. Au contraire, elles permettent au bénévole de se consacrer à ce pourquoi il s’est engagé, la vie de son club, la transmission des règles des pratiques concernées, mais aussi et surtout le lien social, la convivialité, la solidarité… valeurs consubstantielles de l’engagement associatif. C’est ce projet de société que nous voulons défendre. Un État efficace, une collectivité locale efficace doivent faciliter l’engagement bénévole.

On est loin de la coupe aux lèvres. Mais la spécificité associative française est pétrie d’une histoire riche de luttes et elle résistera au tout marchand.

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